Table de chevet brésilienne de Joaquim Tenreiro
Cette table de chevet est un petit bijou de création du grand maître du design moderniste brésilien Joaquim Tenreiro. Reposant sur quatre pieds de section carrée fuselée, elle présente un tiroir à poignée rond en bois sur la façade. Créée au début des années 1950, elle porte encore l’étiquette de l’atelier « Lagenbasch & Tenreiro Ltda. ». Pour cette table de chevet Tenreiro a choisi le bois « perobinha do campo », un bois noble, d'excellente qualité, chaud et originaire du sudoeste brésilien.
Avec une parfaite géométrie cubique, Tenreiro joue ici sur la simplicité. Sa grande maîtrise de son métier lui permet d'aller directement à l'essentiel de son dessin épuré, puis d'agrémenter sa création de discrètes finitions minutieuses, tels que la précision du montage intérieur ou l'élégance donné au plateau du tiroir. Sous la pureté de ses formes, cette pièce cache donc ses ressources de complexité et d'attention.
Biographie de Joaquim Tenreiro :
C’est un destin paradoxal que connait Joaquim Tenreiro, réputé au Brésil comme le Maître des maîtres parmi les designers de sa génération, celui qui permet au bois de s’exprimer avec le plus de subtilité et de noblesse, « recherche la vocation de sa matière première » selon A. Houaiss ; ceci alors que Tenreiro se souhaiterait peintre ou sculpteur, passionné qu’il est pour l’art en général, et celui de son temps en particulier.
Dès sa jeunesse, il reçoit l’amour du bois comme héritage. En effet son père est artisan ébéniste lui-même, et le plus talentueux de sa région au Portugal selon Tenreiro.
Fort de cette formation au berceau familial dans la région de Melo au Portugal, il arrive au Brésil en 1928, et complète sa maitrise en travaillant pour Laubisch & Hirth de 1931 à 1942. Là, d’abord apprenti puis designer, il se perfectionne personnellement en étant chargé de réaliser des meubles de tous styles, mais il apprend aussi le travail en équipe avec des centaines d’ouvriers-artisans aux diverses spécialités.
C’est aussi dans cette maison qu’il acquiert de la confiance dans ses capacités, ayant à réaliser des commandes pour une nouvelle demande qui ne trouve pas ce qu’elle cherche dans le catalogue de l’entreprise. Ce nouveau goût vient d’abord de la classe moyenne supérieur de la fonction publique qui, habitant dans les nouvelles réalisations d’architectes tels qu’Oscar Niemeyer, désire meubler ces logements aux lignes modernes d’un mobilier adapté. Besoin de nouveauté, certes, mais aussi d’un ancrage local, aussi bien pour des raisons météorologiques que par l’appétit naissant à cette époque au Brésil de créer un style décolonial en quête d’une identité spécifique.
Tenreiro, le premier saura concilier à ses attentes, s’inspirant certes des modernistes européens pour les lignes épurées, mais qu’il allègera par des courbes délicates, principalement en bois dont il saura tirer le meilleur des essences exceptionnelles qu’il a à disposition, ainsi qu’en utilisant beaucoup de cannage ou structure qui laisse respirer l’ensemble en ouvrant la circulation de l’air à travers ses pièces. Il fait donc le lien en constant équilibre entre artisanat de haute tradition et innovation moderniste, trait que l’on retrouvera dans l’influence qu’il aura sur les autres artistes du design moderniste brésilien, chez Sergio Rodrigues en particulier.
C’est ainsi qu’en 1942, avec un commercial de son entreprise, ils partent fonder ensemble leur propre atelier, Lagenbasch & Tenreiro Móveis e Decorações, qui perdurera jusqu’en 1969, année où Tenreiro, après être devenu le designer le plus en vue du pays, quitte le métier de pour se concentrer sur la peinture et la sculpture.